Cela fait quelques années déjà que l'on entend parler du jeûne intermittent et de ses bienfaits. En tant que naturopathe, le jeûne est une pratique qu'il peut m'arriver de conseiller, mais définitivement pas à tout le monde !
La pratique du jeûne devenant de plus en plus populaire, de nombreuses femmes commencent à l’adopter comme pratique régulière, sans se douter que celle-ci puisse les affecter différemment des hommes (chez qui le jeûne n’a que peu d’effets indésirables).
Nombre d’entre-elles témoignent de crises de boulimie, de perturbations métaboliques, d’aménorrhées ou de symptômes d’une ménopause bien trop précoce.
Comment le jeûne intermittent peut influencer notre système hormonal ? Est-il adapté à tout le monde ? Quel est mon avis sur la question et est-ce que je le pratique ? Je vous réponds dans cet article.
Le jeûne intermittent en quoi ça consiste ?
Le jeûne intermittent consiste à ne pas manger sur une période courte et de manière régulière.
Il existe plusieurs formats mais les deux plus connus sont :
- le jeûne 16/8, qui consiste à étaler ses repas sur 8 heures pendant la journée et à jeûner les 16 autres heures. Ce qui revient par exemple à manger exclusivement de 12 à 20 heures ou de 8h à 16h selon vos préférences.
- le jeûne de 24h, à réaliser 1 ou 2 jours par semaine, de préférence le même jour à chaque fois.
Quels sont les intérêts du jeûne intermittent ?
En naturopathie, le jeûne (intermittent ou sur une période plus longue) peut être conseillé dans le but de gagner en énergie et en vitalité, ou encore pour mettre son corps au repos, l’aider à éliminer les toxines et toxiques, réguler la glycémie, diminuer la résistance à l’insuline, augmenter le métabolisme, renouer avec ses sensations de faim etc.
Mais la raison principale avancée par les afficionados du jeûne intermittent est la perte de poids.
Et c’est ici que je vais mettre mon premier warning. Le jeûne, qu’il soit pratiqué de manière intermittente ou sur une plus longue période, n’est pas un régime et ne doit pas être pratiqué dans ce but.
D’ailleurs il est important de préciser qu’il ne s’agit pas ici d’éliminer un repas dans le but de supprimer 800kcal de plus ni, au contraire, de se « venger » et de contre balancer notre frustration sur les repas suivants. C’est pour ces raisons que cette pratique est fortement déconseillée aux personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire.
L’objectif du jeûne intermittent est de maintenir un apport calorique complet mais sur une période plus courte. Pour cela, on conserve une alimentation équilibrée et on mange à sa faim, en consommant de bonnes protéines, des graisses de bonne qualité et des glucides lents et complets.
Le problème est qu’en pratiquant le jeûne intermittent n’importe comment ou de façon trop extrême et non physiologique, les femmes peuvent aggraver leur problème de poids et/ou entrainer de profonds déséquilibres hormonaux.
De plus, lorsque les hormones de la reproduction sont perturbées, toute une série de problèmes bien documentés peuvent survenir en fonction de la sensibilité des femmes aux irrégularités hormonales et notamment :
- Irrégularités du cycle menstruel (symptômes que l’on retrouve lors d’une hypothyroïdie)
- Infertillité ou difficulté à tomber enceinte
- Aménorrhée (arrêt des menstruations)
- Symptômes généraux de déséquilibre hormonal (SPM, acné, mauvaise humeur, pbs de poids, faible libido, SOPK)
Que disent les études ?
La plupart des études sur le jeûne ont été menées sur des animaux ou des hommes. Le peu d’études effectuées sur des femmes l’ont été sur des femmes en surpoids et/ou ménopausées, mais très exceptionnellement sur des femmes en bonne santé. Ce qui signifie qu’il y a très peu de recherches sur l’impact du jeûne sur les femmes (notre nature cyclique et la fluctuation de nos hormones rendant la standardisation des études très complexe).
De plus, la plupart des études se sont basées sur des jeûnes de 24h complets sur 2 à 3 jours par semaine (soit 1 jour de jeûne sur 2).
Les études animales montrent qu'après 12 semaines, les souris femelles avaient une glycémie et un poids corporel inférieurs (ce qui peut être bon pour la fertilité). Cependant, elles avaient également des niveaux réduits de FSH et de LH, elles ont cessé d'avoir des cycles menstruels et leurs ovaires ont rétréci tout en éprouvant plus d'insomnie que leurs homologues mâles (bien que les rats mâles aient connu une production de testostérone plus faible).
Dans une autre étude, 15 femmes atteintes de SOPK ont suivi un régime très hypocalorique (~ 471 calories / jour) pendant 7 jours, ce qui a augmenté leurs niveaux déjà élevés de LH et réduit la FSH circulante. Mais dans la même étude, le jeûne a également réduit les taux sériques d'insuline et de leptine chez les femmes (ce qui est positif).
Certaines études ont également montré que les effets étaient d’autant plus marqués sur des femmes minces (ayant moins de 20% de graisse corporelle) avec disparition des règles et absence d’ovulation.
En revanche, l'effet clinique de la privation nutritionnelle à court terme sur l'axe reproducteur des femmes qui ont un cycle normal n'a pas été évalué.
Comment le jeûne agit-il sur nos hormones et notre fertilité ?
Nos organes se servent des hormones pour communiquer entre eux. Produites par les glandes endocrines, les hormones sont transportées par le sang et permettent de réguler à distance toutes nos fonctions vitales.
En période de préconception, il est indispensable de réguler notre glycémie.
De ce fait, le meilleur argument en faveur du jeûne serait son efficacité pour faire baisser la résistance à l’insuline (cause principale du syndrome des ovaires polykystiques et à l’origine de l’inflammation chronique de notre organisme).
Or, une glycémie qui fluctue trop souvent ou de façon trop importante est un stress pour l’organisme. Et lorsque le corps féminin ressent trop de stress, qu’il s’agisse de repas peu fréquents et/ou apportant trop peu d’énergie-calories, d’un sommeil insuffisant, d’un excès d’effort physique ou d’une charge mentale et émotionnelle trop forte, la reproduction est le premier processus qui s’arrête.
La GnRH, ou hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires, désigne une neurohormone sécrétée par l'hypothalamus, une petite structure localisée au niveau du cerveau.
Elle agit sur la glande pituitaire qui elle-même contrôle la libération des hormones FSH (hormone folliculostimulante) et LH (hormone lutéinisante).
La FSH et la LH contrôlent quant à elles le cycle hormonal (par la production des œstrogènes et de la progestérone).
Toutes ces hormones jouent un rôle crucial dans l'ovulation, le cycle menstruel et la spermatogénèse.
L’hormone précurseur de la GnRH s’appelle la kisspeptine.
La kisspeptine est produite en grande quantité chez la femme (plus que chez l’homme) et il a été démontré qu’elle était particulièrement sensible aux hormones de la faim et notamment de la leptine (hormone de la satiété), la ghreline (hormone de la faim), l’insuline (régule la glycémie et permet le stockage des graisses) ainsi que le cortisol (hormone du stress)
Ce qui implique que le jeûne chez les femmes a un effet notable et immédiat sur leur cycle hormonal et donc leur fertilité.

Durant une période stressante, la progestérone circulante est convertie en cortisol. Donc plus de cortisol signifie moins de progestérone, et inévitablement une dominance en œstrogènes (la progestérone et les œstrogènes se régulent mutuellement. Donc, si votre taux de progestérone est trop bas, vous aurez une dominance en œstrogènes, alors même que votre taux n’est pas en dehors des limites normales).
A noter que même pour les femmes qui n’envisagent pas de grossesse, la santé du système reproducteur est toujours d’une importance cruciale pour leur bien-être en général. En effet, les hormones sexuelles sont vitales pour la solidité des os, la protection contre le cancer, l’humeur, l’énergie et la vitalité, la libido, la santé de la peau et des cheveux et bien d’autres choses encore.
Alors du coup… On fait quoi ?
Le jeûne intermittent, lorsqu’il n’est pas bien pratiqué et adapté, peut entraîner des micro-carences nutritionnelles. Ces déficits, même minimes, s’ils se poursuivent dans le temps, finissent par perturber le bon fonctionnement de l’organisme et notamment le fonctionnement hormonal et immunitaire.
Le jeûne intermittent de plus de 12h, les régimes avec restriction calorique ou encore pauvres en glucides (de type cétogène) peuvent chez la femme :
- augmenter les micro-carences à moyen long terme
- augmenter le taux de cortisol,
- diminuer légèrement les hormones thyroïdiennes
- réguler légèrement à la baisse les hormones sexuelles.
Le jeûne intermittent ne convient donc pas à tout le monde et il est préférable de l’éviter ou de rester sur un jeûne de 12/12 avec 3 repas (période de jeûne de 12h maximum) si vous avez :
- du diabète,
- un dérèglement hormonal identifié,
- un cycle irrégulier ou une aménorrhée depuis plusieurs mois,
- des troubles du sommeil,
- une libido très faible ou absente,
- si vous êtes en sous poids ou que vous souffrez de troubles du comportement alimentaire,
- si vous êtes enceinte, si vous nourrissez votre enfant au sein ou si vous planifiez une grossesse.
Surtout ne combinez pas le jeûne intermittent, la restriction calorique et une alimentation trop faible en glucides ou en protéines (de type vegan). Sinon vous multipliez par 3 ou 4 vos risques de dérégulation du cortisol, d’hypothyroïdie, de déséquilibres hormonaux et de tous les effets secondaires qui les accompagnent.
Si votre but est d’optimiser votre fertilité alors mon conseil est de privilégier une alimentation équilibrée, riche en protéines et en lipides et pauvre en glucides. Le but étant de chouchouter notre glycémie qui est directement liée à notre système endocrinien (= hormonal).
Et pour cela, le meilleur moyen n’est pas de sauter le petit-déjeuner mais plutôt de revoir ce qu’on mange à ce moment-là. Car si votre apport est majoritairement glucidique (pain, muesli, porridge, cérales…), alors cela est pire à mon sens que de pratiquer le jeûne intermittent !
Un bon petit-déjeuner sain et équilibré devrait être composé majoritairement de… protéines ! Et oui, tout le contraire de nos petits-déjeuners français… Pour cela vous pouvez manger des œufs (LA protéine de la fertilité), du saumon, des petits poissons gras, du houmous ou pour les moins courageux et les petits estomacs une poignée d’amandes ou encore un smoothie protéiné (attention à la teneur en fruits dans ce cas !)
Mon avis
Je suis convaincue qu’il n’existe pas une seule manière de faire et aucune méthode miracle !
Tout ce qu’on peut lire sur le jeûne intermittent peut (comme tant d’autres choses) nous couper complètement de nos véritables besoins et de nos sensations de faim. Le plus important selon moi est de réapprendre à écouter son corps.
J’ai pu lire par exemple « s’il existe un déséquilibre hormonal, il est capital de manger dans les 30 minutes qui suivent le réveil et ensuite toutes les 2-3h dans votre journée. » Ayant personnellement une tendance aux TCA, quand je lis ça, je peux me contraindre à petit-déjeuner sans même me demander si j’ai faim et c’est alors un cercle vicieux dans lequel je n’écoute plus mon corps.
Au final, le meilleur conseil que je pourrais vous donner est de vous écouter ! Soyez flexibles et douces avec vous-mêmes. Testez et observez comment réagit votre corps. Et surtout, faites-le pour les bonnes raisons : non pas pour perdre du poids ou avoir un bébé, mais bien pour vous, pour vous respecter et répondre aux besoins de votre corps.
Le sujet est vaste et complexe et je pourrais bien-sûr aller encore plus loin en vous expliquant pourquoi vous n’avez pas faim du tout ou au contraire vous êtes affamés au réveil. Dans les deux cas, cela peut être le signe que votre apport calorique et en macro-nutriments n’est pas équilibré (repas trop riche le soir ou au contraire trop pauvre en glucides, déficit en neurotransmetteurs…)
Aussi, je vous encourage à vous faire accompagner pour trouver la formule qui sera la plus adaptée à votre cas. N'hésitez pas à prendre contact avec moi si cela vous intéresse.
Prenez soin de vous et de votre fertilité,
Mélanie
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7714088/
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9435419/
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/arti...
- Jeûne intermittent, approche raisonnée écrit par Christophe Carrio. CTS Edition